Quand viennent sous mes doigts des choses comme celle-là, je me sens heureux. Définitivement.
Moi que les choses de la religion aimantent, voilà que je vous présente ce sur quoi je vais me venger faute de pouvoir récupérer ici un blog comme je l'avais construit et j'imagine que nous sommes nombreux à regretter la disparition de nos images mais c'est être menteur que d'avouer qu'il s'agit ici de la seule proie sur quoi je vais satisfaire mon appétit, il y a encore la polonaise, la dame blanche, l'arlequin, ils ne me viennent pas tous à l'esprit tant mon estomac les digère rapidement. Les connaisseurs reconnaîtront l'inénarrable gâteau Ladurée dont on fait une réputation abusive, croyez-en un amateur qui, chaque fois qu'il met le pied dans une ville, visite Le pâtissier et il est de meilleures religieuses à Lille, Tours ou même Paris.
C'en est assez de ces voix qui voudraient nous, me culpabiliser sous prétexte que la banquise fond et qu'on me montre pour m'apitoyer deux pingouins en perdition. C'en est assez de cette hypocrisie qui consiste à pleurer, en manteau de vison, la disparition des éléphants ou en 4x4 la raréfaction d'une essence d'arbre dont je n'ai jamais entendu parler. J'assimile celà en tous points à ces artistes qui se donnent pour combattre l'exclusion, se donnent à quoi, en réalité? En spectacle, voilà le mal. Mais qu'on se rassure, j'ai bonne conscience. Je ne trie pas mes déchets parce que la cuisine ici est trop exigüe pour accueillir soixante neuf poubelles, laisse tourner mon ordinateur en continu, n'éteins jamais la télévision et ouvre les fenêtres même en hiver. J'ajoute au désespoir de la couche d'ozone que j'utilise la climatisation de ma voiture - ma voiture, l'une des plus petites cylindrées - quand je dois parcourir de longues distances. Et chaque jour, quand il ne pleut pas et j'ai cru comprendre qu'il ne pleuvra plus bientôt, je prends mon vélo pour parcourir les cinq kilomètres qui me séparent de mon bureau. Ecolo, moi? Sûrement pas.
Curieuse cette ressemblance avec...mon vélo
à toutes celles qui nous sourient, joconde ou pas, à la caisse, au guichet, au bureau,dans l'escalier et pour les moins zélés dans l'ascenseur, dans la rue, bonjour madame, sur le parking, au restaurant, à la recette des impôts, au bureau de poste, de tabac, je ne sais pas je fume pas, à la boulangerie, à la boucherie, là non c'est un garçon qui, selon Jacky, se montre curieux de la chose contrairement à ce que ses plaisanteries grasses laissent supposer, reprenons, à la librairie, à la pâtisserie mais nous y allons toujours ensemble, au restaurant, je l'ai déjà dit mais c'est un autre, au garage, à l'agence de voyages, bonjour Odile, à la maison de la presse, avec ou sans le DVD?, à la pharmacie, sur le marché, celle qui vend des légumes et qu'entre toutes je préfère car elle parle allemand, celle qui vend des saucisses de Toulouse et qui n'a pas de dents, celle, sans âge, qui rit toujours de voir que sole ou daurade, saint pierre ou rouget, je grille tout cuisinant au plus simple, celle qui vend le gingembre confit mais là le sourire ne se dessine qu'une fois la barre des vingt-cinq euros franchie, les autres que j'oublie, celle qui me sourit et dont je devine combien son patron la terrorise quoiqu'elle s'en dédise, celle qui n'a plus que celà et son enfant pour m'apitoyer et soutirer quelqu'argent, toutes, toutes, à elles ce dessin.
"Tu viens?" et moi qui dormais si bien ou plutôt tentais de rentrer dans la nouvelle boutique Louis Vuitton installée dans la galerie des glaces du château de Versailles. Nous y étions venus pour acheter un ordinateur portable blanc. Jacky, sans m'attendre, était entré et moi, j'éprouvais d'immenses difficultés à faire comprendre à l'homme chargé de la sécurité pourquoi son détecteur s'affolait à chaque fois qu'il passait devant mes poches. J'eus beau lui montrer mon porte-monnaie, l'ouvrir et lui désigner les pièces de monnaie, l'homme qui ne semblait comprendre que l'anglais, n'était pas satisfait. Je dus me résoudre à lui présenter ce que j'avais caché précédemment dans ma poche droite, à savoir six fourchettes en argent dont une ou deux étaient recouvertes de terre et comme il appartient à ce genre de boutique de ne s'étonner de rien, je passais enfin le contrôle pour m'asseoir à côté d'un client qui, calculette en main, convertissait tous les prix qu'il lisait et les reportait dans son agenda. Dehors la statue équestre de louis XIV avait été remplacée par une version plus contemporaine. L'ensemble était blanc, figé, un peu comme ces cavaliers ming, à l'exception des pattes du cheval qu'on avait choisies noires et cylindriques, toutes droites. Je crois que nous sommes sortis, je me souviens qu'il traînait sur le plancher vernis des pages ouvertes de vieux journaux tâchés de graisse. L'escalier était en colimaçon. "Dis, tu viens?"
